L’origine du courant pentecôtiste remonte au 18ème siècle avec l’éclatement des mouvements évangéliques[1] au sein du protestantisme.
C’est aux Etats-Unis que des auteurs ont localisé son apparition entre les années 1900 et 1906 avec une tendance révolutionnaire déployée par certains pasteurs baptistes. Ces auteurs ne sont pas unanimes à reconnaître l’identité des précurseurs de cette dénomination. Le Pentecôtisme est apparu dans la même perspective du mouvement évangélique qui était de rompre avec le rationalisme de la théologie protestante.
Charles Poisset Romain résume les principales caractéristiques que le Pentecôtisme a apporté à la Réforme protestante que sont « la manifestation du Saint-Esprit, le parler en langue, la tendance au prophétisme, les révélations à travers les visions, les guérisons, les miracles. »
Dans son ouvrage, « Les transformations du christianisme en Amérique latine », Guillermo Uribe présente une quadrilogie qui définit de manière plus précise la structure fondamentale du pentecôtisme. « Le premier consiste en la présence du Saint-Esprit chez le croyant, car le baptême dans l’Esprit lui donne des facultés comme celle de parler en langues ou glossolalie. Le deuxième est le don de la guérison miraculeuse et du miracle en général. Le troisième est le salut immédiat du baptisé. Le quatrième est celui de la venue imminente de Jésus pour laquelle les croyants doivent être prêts, c’est-à-dire adaptent une vision millénariste »[2].
Ces caractéristiques fondamentales de la doctrine pentecôtiste sont tirées sur le récit de la Pentecôte racontée dans la Bible dans le chapitre 2 du livre des Actes. L’histoire raconte que 50 jours après l’ascension du Christ, les apôtres étant réunis ensemble dans un même lieu « furent tous remplis du Saint-Esprit et commencèrent à parler d’autres langues. » Plusieurs miracles furent opérés ce jour-là, toujours selon le récit biblique.
Par conséquent, le chrétien pentecôtiste fonde sa croyance sur la contemporanéité des dons de l’Esprit contrairement à d’autres croyants comme le baptiste. La contemporanéité s’explique selon Corten que « le récit de la Pentecôte tel que rapportée dans les Actes des Apôtres est considéré comme actuel. Encore aujourd’hui, le Saint-Esprit descend sur chaque croyant, ainsi investi des dons dont il est question notamment dans la première épitre aux Corinthiens. »[3] Le parler en langues en milieu pentecôtiste est pour cela considéré comme la preuve ou l’interprétation de la manifestation du Saint-Esprit.
Le Pentecôtisme en Amérique latine
Le courant pentecôtiste s’est rapidement propagé dans les régions populaires de l’Amérique latine et anglo-saxons. Aux Etats-Unis, il s’est répandu surtout autour de 1930 où cette société connaissait la grande dépression et que les Etats du sud, particulièrement, étaient frappés par la misère. A travers ces sociétés, on analyse deux facteurs qui résument généralement le succès de la doctrine pentecôtiste : l’une cultuelle et l’autre culturelle.
Le premier cas mobilise un ensemble de pratiques rituelles se transformant à travers le corps par des danses, des cris des larmes, des chants et des transes. Ce qui ressemble beaucoup plus à une expression émotionnelle et spontanée plutôt qu’à une démarche rationnelle. « Ceux qui participent à des cérémonies vivent une expérience personnelle intense, sans médiateur et sans une initiation complexe. »[4]
Deuxièmement, le Pentecôtisme s’adapte facilement aux mœurs et coutumes des sociétés qu’il intègre. Plusieurs auteurs tels qu’Uribe et Corten ont pu faire le diagnostic de cette adaptation dans les régions de l’Amérique centrale et latine. « En reformulant les traditions locales, le Pentecôtisme contribue encore à se rapprocher de la population. Certains récits extraordinaires de la Bible peuvent avoir aussi une lecture qui les rapproche des pratiques religieuses précolombiennes. »[5]
Le Pentecôtisme en Haiti
En Haïti, l’historique du pentecôtisme n’est pas été linéaire. Il est instauré en Haïti sous la période de l’occupation américaine par la Church of God in Christ et connait tout de suite le succès puisqu’elle dépasse plusieurs autres assemblées. Son quartier général situé à Memphis Tennessee nomme Joseph Paulcéus en tant que missionnaire en 1929.
Ce dernier ordonne Jacques J. Vital Herne comme pasteur, mais celui-ci le quitte quelques temps plus tard pour fonder le Tabernacle de Dieu. En 1938 Vital Herne, à l’instar de plusieurs autres pasteurs haïtiens, demande l’aide à la mission américaine Church of God of Prophecy. Mais, ce n’est qu’en 1982 que ce courant s’élargira véritablement au milieu de la population haïtienne.
L’influence de l’imaginaire pentecôtiste touche près de la moitié de la population haïtienne jusqu’à atteindre toutes les autres confessions religieuses au point que Corten parle d’une pentecôtisation de la société. Les résultats d’une enquête menée et présentée par Charles-Poisset Romain démontrent que 72% des chrétiens baptistes croient, qu’au moins une fois, Dieu leur a révélé ou a révélé à un prochain quelques prescriptions en songe[6]. Ce qui serait l’une des croyances propres à la dénomination pentecôtiste.
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Laennec Hurbon explique que le succès du Pentecôtisme est lié premièrement au paradoxe congruent du courant avec les rituels vaudous. Ainsi, le croyant haïtien ne se sent pas « dépaysé » à travers les pratiques symboliques de son assemblée. Ensuite, l’absence de l’Etat et dans les zones rurales, les provinces et les quartiers populaires permettent aux assemblées pentecôtistes le droit d’intervenir sur tous les problèmes de leurs fidèles.
« Avec un taux de croissance de 21% l’an, la population haïtienne pentecôtiste serait d’un (1) million de fidèles »[8], estimait Charles P. Romain en 1989. Le dernier recensement de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique démontrait en 2003 que la religion catholique est toujours prédominante avec un pourcentage de 54,7%. Selon ces mêmes statistiques, les protestants ne représentent que 25% de la population haïtienne avec 15,4% de baptistes et 7,9% de pentecôtistes.
Cependant, on assiste la végétation des temples et des lieux de cultes depuis le séisme du 12 janvier 2010 où des Pentecôtistes ont interprété la catastrophe comme une malédiction de Dieu qui demandaient au peuple de se repentir de ses péchés. Une situation qui a, sans doute, fait accroître ces chiffres en attendant les résultats d’une nouvelle enquête.
Hadson A. Albert
Bibliographie:
[1] L’évangélisme est issu de la volonté protestante de diffuser le protestantisme en dehors des populations ayant participé directement au processus de la réforme.
[2] Guillermo Uribe, Les transformations du christianisme en Amérique Latine, Paris, Karthala, 2009, p.109-110
[3] Op. cit., p. 128.
[4] Op. cit., p 112
[5] Ibid., p. 113.
[6] Charles-Poisset Romain, Le protestantisme dans la société haïtienne, Educa Vision, 7550 NW 47th Avenue ; Presses de l’Université Jean-Price Mars, Port-au-Prince, Haïti, p. 101.
[7] Corten André. La glossolalie dans le pentecôtisme brésilien. Une énonciation protopolitique. In: Revue française de science politique, 45ᵉ année, n°2, 1995. pp. 259-281. DOI : https://doi.org/10.3406/rfsp.1995.403520 www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1995_num_45_2_403520
[8] Op. cit., p.64.
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