La santé mentale est peu considérée en Haïti notamment à l’église où, certaines fois, ses manifestations se confondent avec le spirituel.
Le 22 avril 2018, Hadson Archange Albert reçoit un appel en sortant de l’église. Ralph Lindor, son ami d’enfance et membre de la même assemblée que lui s’est pendu avec une corde en rotin.
Le jeune homme de 22 ans n’aura pas survécu malgré la diligence de ses proches qui l’ont transporté en urgence à l’hôpital. Ralph Lindor était le premier Secrétaire de l’association des jeunes de son assemblée.
« Il présentait depuis plusieurs signes de dépression, mais personne ne pensait qu’il allait poser un tel acte », explique Hadson A. Albert. Les leaders de son assemblée ont refusé de chanter ses funérailles dans l’enceinte de l’église seulement parce qu’il s’est suicidé, raconte l’animateur de l’émission Plateforme Bénie.
« Au lieu de soutenir la famille dans cette épreuve, les membres de l’église, principalement les responsables critiquaient vertement Ralph », révèle-t-il. Les parents et amis de Ralph Lindor ne comprenaient pas la décision des leaders qui n’ont utilisé aucune approche biblique pour se justifier. Finalement, les funérailles du défunt seront chantées sur un terrain concédé par un propriétaire du quartier.
Jusqu’à présent, affirme Albert, les responsables de l’église ne se sont jamais penchés pour comprendre les causes du suicide de son ami comme un problème psychologique malgré ses différentes interpellations.
Situation de la santé mentale en Haïti
La santé mentale fait l’objet d’un large éventail d’activités qui relèvent directement ou indirectement du « bien-être. » Elle englobe la promotion du bien-être, la prévention des troubles mentaux, le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de ces troubles. Les signes de déséquilibre mental sont multiples: la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires[i] etc.
Il existe seulement deux institutions en Haïti qui prend en charge les patients atteints d’un déséquilibre mental. L’Hôpital Défilée de Beudet et le Centre Hospitalier Universitaire de Psychiatrie Mars & Kline.
Elles disposent au total de 180 lits pour une population estimée à 10 millions d’habitants, soit près de 1,9 lit pour 100 000 habitants. En 2018, il n’y avait que quarante (40) professionnels en psychologie disponibles pour les 10 millions d’habitants, selon l’Association Haïtienne de la Santé Mentale.
Dans un rapport sur la Santé mentale en Haïti en 2011, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu’il n’y a pas de politique publique de la santé mentale en Haïti. « En l’absence d’une politique de santé mentale, il n’y a pas eu de réelle planification des services. Le système de santé mentale compte très peu de professionnels », peut-on lire dans ce rapport.
Selon le document, en 2003, on recensait dix psychiatres et neuf infirmiers psychiatriques travaillant dans le secteur public et privé.
En 2017, les maladies mentales ont été classées comme deuxième cause de problème de santé publique en Haïti par l’Organisation Mondiale de la Santé, mais ils restent encore tabous dans la société haïtienne, particulièrement au sein des communautés évangéliques.
Un rapport intitulé « Culture et santé mentale en Haïti : une revue de littérature » du Magazine « Santé mentale au Québec », indique que les problèmes de santé mentale en Haïti sont souvent attribués à des forces surnaturelles.
Selon le rapport la maladie mentale, les problèmes dans le fonctionnement quotidien et l’échec scolaire peuvent tous être considérés comme les conséquences d’un sort, d’un envoûtement ou d’une malédiction jetée par une personne jalouse.
La situation des malades mentaux dans l’église
« La question de la santé mentale à l’église est taboue et les gens qui en montrent les symptômes sont stigmatisés par leurs pairs de la communauté évangélique », affirme le Docteur Vézel Philistin, travaillant sur une thèse doctorale sur la dépression au sein des églises.
Selon lui, les chrétiens voient d’un mauvais œil un chrétien qui manifeste des signes de déséquilibre mental. « Cependant, chacun de nous peut avoir même provisoirement un déséquilibre mental », continue-t-il.
« La psychologie de manière générale n’a pas bonne presse en Haïti », reconnait Robenson Florent, psychologue. Des gens croient que ceux qui consultent les psychologues sont fous ou sont sur le point de l’être, estime-t-il.
Robenson Florent, lui, estime que généralement les chrétiens estiment qu’une personne qui souffre de maladie mentale comme un faible de foi ou possédé par un démon. Ainsi, les gens souffrant de problèmes mentaux au sein des églises n’arrivent pas à trouver un environnement apte à les aider.
Pourtant, plusieurs cas de déséquilibre mentale sont répertoriés parmi les Protestants, selon l’ouvrage de la Docteure Jeanne Phillipe intitulé « Classe sociale et santé mentale en Haïti ».
Et ces derniers, d’après le Pasteur Jampson Blanc de l’Eglise Evangélique des rachetés, ils devraient chercher l’aide de spécialistes de la santé mentale.
L’église doit mieux jouer son rôle
Il existe déjà une certaine implication de l’église dans la « guérison » des personnes atteintes de troubles mentaux sans qu’elles ne soient conscientes qu’il s’agit d’une question de santé mentale purement et simplement, selon le Pasteur Emmanuel Marcelin. Mais, il croit que l’église peut faire une meilleure prise en charge de ces cas.
Robenson Florent estime que les leaders évangéliques doivent s’informer autour de la question, savoir ce que c’est, connaitre les signes et symptômes. L’église doit commencer à en parler et aussi faire des séances de formation à ce sujet, dit-il.
Le Dr Philistin, lui, ajoute que les pasteurs doivent assurer la prise en charge, soit eux-mêmes ou par des spécialistes, des patients qui montrent des signes de troubles mentaux.
L’Église protestante et catholique et les pratiques religieuses en Haïti aident les personnes à faire face aux problèmes psychologiques et émotionnels, et constituent un système parallèle de guérison, selon la revue Culture et Santé mentale dans son rapport de 2010.
Dans les suggestions du rapport sur la culture et santé mentale en Haïti, l’OMS recommande l’appui des chefs religieux pour aider à résoudre les questions de santé mentale au sein des communautés religieuses.
« Les professionnels de la santé travaillant en Haïti peuvent considérer les chefs spirituels comme des alliés, car ils peuvent encourager les usagers à demander de l’aide et à adhérer aux traitements recommandés. Les chefs religieux et spirituels peuvent servir de « consultants » ou de « co-thérapeutes », conclut l’Organisation mondiale de la santé.
Vanessa Dalzon
Comment
A l’église surtout on utilise ce verbe (extérioriser) pour deguiser une personne folle (fou) pour les gens de l’église ce vocable n’existe pas (mad). Ils disent ceux qui prient ne peuvent pas raffiner. Nous dans le secteur éducatif dénonce ce genre de comportement