Chaque catastrophe naturelle, chaque épidémie, chaque événement meurtrier vient avec son lot de ressassements sur la question de Dieu. Évidemment, la Covid-19 ne fera pas exception à la règle. Un ami athée a cru ainsi nécessaire de m’envoyer l’une de ces « perles » aujourd’hui courantes d’une énième « preuve argumentée » de l’absence ou de la non-existence de Dieu. L’intitulé de la chose m’a fait sourire : « La covid-19 : La pandémie qui a tué Dieu ».
En gros, l’idée du texte, dans ses prémisses, se résume ainsi : si Dieu était omnipotent (tout-Puissant) et plein de miséricorde, il ne resterait pas impassible devant la souffrance de ses créatures. L’auteur du texte déduit joyeusement que, face à la Covid-19, Dieu est : soit sadique (il peut tout, et il ne fait rien) ; soit faible (il est plein d’amour, mais il ne peut rien) ; soit mort (la pandémie l’a tué !). En réalité, ce n’est ni la première fois ni la dernière fois qu’une épidémie ou une tragédie aura tué Dieu ! J’en conclu, pour ma part, qu’il est définitivement immortel, ce Dieu-là !
Cela dit, je n’entends pas reprendre ici les lignes de faille de ce raisonnement à l’emporte-pièce. D’autres l’ont déjà fait avant moi (je vous réfère, entre autres, au texte bien informé du Dr Lesly Jules : « Covid-19 : la pandémie qui confirme Dieu »). Mon propos vise plutôt à mettre en lumière, et surtout rappeler aux croyants, le sens et l’attitude de la chrétienté face à la souffrance.
La négation de Dieu par pitié pour la créature qui souffre est un lieu commun des différentes variantes de l’athéisme. C’est aussi sans doute la plus robuste des postures athéistes. Au fait, le sentiment de pitié et de commisération vis-à-vis de la créature souffrante est l’un des plus émouvants chez tout être humain. C’est un sentiment qu’on partage avec notre créateur. Néanmoins ce sentiment, d’héritage divin, peut se pervertir doublement.
D’abord, lorsqu’il n’arrive pas à s’accorder aux principes fondamentaux de liberté et de dignité humaines (sur la liberté et la responsabilité des hommes, je renvoie au texte du Dr Lesly). Ensuite, lorsqu’il ignore la vertu rédemptrice qui accompagne la souffrance. Et c’est là que l’éthique chrétienne de la souffrance peut instruire mes amis athées de grand cœur !
En fait, l’attitude de la chrétienté vis-à-vis de la souffrance est double et paradoxale (non contradictoire !) D’une part, la souffrance dans la chrétienté est la conséquence du péché. D’autre part, elle est aussi une voie vers la rédemption de la créature souffrante. Elle possède, pour le coup, une valeur positive dans la vision chrétienne du monde.
L’éthique chrétienne de la souffrance est, sous ce regard, foncièrement différente de celle d’autres religions ou doctrines morales comme le bouddhisme, le confucianisme, ou le stoïcisme, par exemple. « Seule la chrétienté accueille la souffrance et affirme à son égard une attitude virile », disait Nicolas Berdiaev. Un peu dans la même veine, Bruce L. Shelley rappelait que le christianisme est la seule religion majeure à avoir pour événement central l’humiliation – par la souffrance et la mort la plus éhontée d’alors – de son Dieu.
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Il ne faudrait donc pas s’y méprendre. Contrairement à sa perversion chez l’athée, le sentiment de pitié qui anime le chrétien ne cherche pas à soustraire l’être humain de la souffrance ici-bas, ce qui serait purement chimérique et non-cohérent au message central du salut et de la désirabilité du nouveau monde à venir.
La pitié du chrétien vise plutôt à accompagner l’autre dans son chemin de croix. Tel est le sens profond de l’éthique chrétienne de la souffrance qui trouve son fondement à la fois dans l’enseignement et l’exemple du Christ lui-même : « si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive ». (Matthieu 16 :24). C’est dans cette communauté de souffrance avec le Christ que le chrétien affronte les effets du péché que sont les catastrophes naturelles, les épidémies, la haine, l’hypocrisie, et que sais-je encore…
Il s’en déduit que, en dépit des altérations ambiantes de l’éthique évangélique qui vendent de faux espoirs dans l’ici-et-maintenant aux croyants, le message renouvelé du Christ continuera à faire son chemin impassible et inchangé : « Prends ta crois et suis-moi !».
Jean Abel Pierre
Pasteur/Sociologue, PhD
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