Fréquenter une assemblée est un acte important dans la vie d’un croyant. Cela lui permet non seulement d’être utile au corps de Christ (1 Co 14 :26 ; Eph 5 :19 ; Col 3 :16), mais encore il se fortifie grâce aux interactions, aux supports mutuels, aux exhortations et à la communion fraternelle qui en résultent (Ps. 133).
Au regard de la Bible, Dieu appelle chacun sur une base individuelle mais intègre chaque croyant au corps de Jésus le Christ, c’est-à-dire l’Eglise (Jean 6 :44, Mat 16 : 18, Actes 2 :47). La Bible déclare que les premiers convertis étaient tous assidus au temple, rompaient le pain dans les maisons, enseignaient et prêchaient la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ (Actes 2 :46 ; 5 :42). L’auteur de l’épitre aux Hébreux exhorte les croyants à ne pas abandonner leur assemblée (Heb 10 :25).
Il est évident que le principe de se réunir était toujours la norme dès la genèse de l’Eglise. Toutes les épitres le confirment et on y trouve quelques recommandations précises là-dessus (1 Co 14 :26 ; 11 :33). Toutefois, ces réunions n’éclipsaient en rien les propos du Seigneur et ceux de l’apôtre Paul quant à la manière d’adorer Dieu (Jean 4 : 21-26 ; Rom 12 :1).
L’apparition des temples « chrétiens » au 4eme siècle
Jusqu’au début du 4eme siècle, aucune mention n’est faite relative aux temples que possédaient les chrétiens pour rendre leur culte au Seigneur Jésus. Le temple de Jérusalem en question dans les textes cités plus haut était destiné aux rituels du judaïsme, la religion juive de l’époque. Les premiers convertis juifs, en le fréquentant, en profitaient pour prêcher l’évangile. De nombreuses maisons étaient surtout utilisées pour des rencontres en petit groupe (Actes 16 :15 ; 1 Cor 16 :19 ; Col 4 :15 ; Philem 1 :2).
Même avec l’expansion de la bonne nouvelle hors de Jérusalem (Judée, Samarie,…) aucun des apôtres ou des convertis n’a eu connaissance de bâtiment d’église, appelés couramment aujourd’hui « église ». Par ailleurs, environ quarante (40) ans après la naissance de l’Eglise, Jérusalem et son temple étaient détruits par le général romain Titus (en l’an 70 A.J-C.). Pour étayer ces faits, Claire Sotinel déclare: « Pendant la plus grande partie des trois premiers siècles du christianisme, les chrétiens ne bâtissent pas d’édifices spécifiques, se contentant d’utiliser des maisons d’habitation en adaptant au besoin au culte tout ou partie de bâtiments existants[1] ».
L’apparition de temple dédié aux chrétiens n’eut lieu qu’après la conversion de l’Empereur romain Constantin (285-337). Aussi Claire Sotinel poursuit-elle : « Il faut attendre la victoire de Constantin sur Maxence en 312, la légalisation du christianisme et les libéralités impériales pour voir apparaître les premiers lieux de culte par destination[2]».
C’est également la position de Graydon F. Snyder lorsqu’il écrit : « Il n’est aucune évidence littéraire ni indication archéologique qu’une telle maison a été convertie en bâtiment d’église. Non plus y a-t-il quel qu’église existante qui certainement aurait été construite avant Constantin. »[3]
Même si l’on se réfère à l’expression « aller à l’église » employé pour la première fois au 2eme siècle par Clément d’Alexandrie (150-215), elle se referait tout simplement aux maisons habituelles[4]. Commentant les mots de Clément (La femme et l’homme doivent aller à l’église vêtus décemment), Frank A. Viola écrit : « vous ne pouvez pas aller à quelque chose que vous êtes ! Dans tout le NT[5], l’ekklesia se rapporte toujours à un ensemble de personnes, pas à un endroit.[6] »
Il faut donc attendre la conversion de l’Empereur Constantin pour voir la construction des premiers temples au bénéfice des Chrétiens. Païen de son état, il fait imiter jusqu’au détail près le modèle architectural des temples païens[7]. Le catholicisme se pointait alors à l’horizon…
Avec la Réforme protestante du 16ème siècle, la tendance n’avait guère changé. James F. White avance quelques éléments explicatifs à ce propos: « La plupart des réformateurs étaient d’anciens prêtres. Par conséquent, ils avaient été inconsciemment conditionnés par les modèles de pensée du catholicisme médiéval.[8] »
Et la confusion sur le vrai temple s’est installée… jusqu’à aujourd’hui
Depuis l’immixtion constantinienne dans les affaires chrétiennes, il s’est développé une dépendance à outrance des croyants vis-à-vis des bâtiments d’église. Ces derniers sont devenus des espaces d’adoration, de prière, de communion fraternelle et de pratique des principes élémentaires de vie chrétienne. Avec le temps, cette dépendance est devenue si forte que des chrétiens n’arrivent pas à imaginer leur vie d’adoration, de prière, de louange, de témoignages, de méditation de la Parole de Dieu hors des murs d’églises.
Ces temps difficiles provoqués par la COVID-19 mettent à nu cette anomalie. Un peu partout à travers le monde, et en Haïti en particulier, les Chrétiens ont été comme déboussolés, perdus, déconnectés avec Dieu lorsque les gouvernements ont pris des mesures interdisant des rassemblements. Dans le cas des églises, nombreux sont ceux qui assimilaient ces mesures à de la persécution : la fermeture des bâtiments d’église ou des temples correspondaient à la fermeture des églises, voire de l’Eglise.
Cette situation peut être approchée par la confusion qui caractérise les Chrétiens comme temples et les temples comme lieux de culte, eu égard aux pratiques actuelles d’églises.
Les responsables d’église font tout pour que les bâtiments d’église rappellent, dans la mesure du possible, les temples d’Israël tels qu’ils sont décrits dans la Bible. Sans les nommer, les trois compartiments semblent être visibles : la cour (comme parvis), les places pour les fidèles ou les croyants (lieu Saint) et la chaire (lieu très Saint). Et de ce fait, le respect en termes de ce que l’on peut oser dire et faire (attitude et comportement) va en grandissant de la cour à la chaire des bâtiments d’église. C’est comme si la présence de Dieu suivrait cet « ordre de grandeur » dans les bâtiments. Cette caricature n’est pas sans impact sur la vie chrétienne des croyants. Malgré les enseignements et les prédications, nombreux sont ceux qui ne peuvent comprendre qu’il n’y a de temple que le corps des croyants, la vraie habitation de Dieu (1 Co 3 :9-17, Eph 2 :20-22).
Les bâtiments deviennent des espaces de pratique de la vie chrétienne et de rencontre avec Dieu. Les propos de Jésus sont plutôt péremptoires : « là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mat 18 : 20). Ce texte n’est nullement exclusif aux bâtiments d’église. En effet, Dieu n’est pas plus présent dans les rassemblements dans ces enceintes que dans les cultes en famille ou des moments de dévotions personnelles. Comme l’a rappelé le diacre Etienne « Le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme (Actes 7 :48).
Des fidèles peuvent être réprimandés ou sanctionnés à cause des habits plutôt indécents portés la semaine dans leur quartier ou en pleine rue alors qu’il est rare que quelqu’un soit sanctionné pour son habit du dimanche qui est toujours au moins décent. Ceci s’explique par le fait qu’ils viennent dans la présence de Dieu dans le bâtiment d’église, donc dans le temple.
On remarquera rarement des comportements relatifs aux violences conjugales dans les bâtiments (car on est dans la présence de Dieu) alors que toute trace de vie chrétienne peut disparaître une fois les portes des bâtiments d’église franchies dans le cas de la plupart de familles dites chrétiennes.
Le sourire, la compréhension, les paroles d’amour, les gestes d’affection, les paroles de bénédiction ne manquent jamais au sein des bâtiments d’église alors que bien souvent les comportements scandaleux (attitudes, paroles impures, etc.) caractérisent la vie de nombre croyants qui oublient qu’ils sont en réalité le vrai temple du Saint-Esprit !
Bref ! Toute la conversion qui doit caractériser la vie du croyant comme temple du Saint-Esprit est carrément transférée au temple qui n’est qu’un simple espace physique de rencontre.
Pour une vie consacrée comme temple de Dieu (et non dans un temple)
Cette réflexion n’a d’autre but que celui de sensibiliser les dirigeants d’église et la communauté des croyants en vue d’un changement de paradigme à la réouverture des bâtiments d’église. Au regard de la panique provoquée par la pandémie de la COVID-19 et les mesures de restriction en termes de rassemblement sous-jacentes, une reconsidération sur notre pratique de vie chrétienne s’impose.
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Les dirigeants d’église se doivent de s’évertuer en vue de réduire la dépendance des croyants vis-à-vis des bâtiments d’église. A cet effet il importe de :
- Replacer les bâtiments d’église à leur place : trop de promotions ou de publicités sont faites sur les « vertus » des lieux de culte pour l’exaucement des prières (ce n’est qu’un exemple). Se faisant, les dirigeants d’église paralysent la vie de prière des croyants et déplacent leur foi de Dieu vers les bâtiments d’église.
- Amenuiser voire faire disparaitre l’idée d’une segmentation ou d’un accroissement de la présence de Dieu dans les lieux de culte (de la cour à la chaire).
- Encourager et renforcer les cultes en famille et les cellules dans les quartiers
Quant aux croyants, recommandation leur est faite de prendre conscience de vivre une vie chrétienne comme temple et non une vie chrétienne dépendante d’un temple. Comme dans les bâtiments d’église, la communion avec Dieu nécessite, sans hypocrisie aucune, adoration, méditation, prière et communion.
Maxon Julien
Références
Claire Sotinel, « Les lieux de culte chrétiens et le sacré dans l’Antiquité tardive », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2005, mis en ligne le 14 janvier 2010, consulté le 4 juin 2020.
URL : http:// journals.openedition.org/rhr/4473 ; DOI : 10.4000/rhr.4473
Ante Pacem: Archaeological Evidence of Church Life Before Constantin (Mercer University Press/Seedsowers, 1985).
Clément, The Instructor, Book III
URL : http://www.earlychristianwritings.com/text/clement-instructor-book3.html
Frank A. Viola, Le christianisme paganisé- Les origines de nos pratiques modernes d’églises.
URL : http://medias.jesuschrist1.tv/pdf/Le%20christianisme%20paganise%CC%81.pdf
Gonzalez, The Story of Christianity, Peabody: Prince Press, 1999
James F. White, Protestant Worship and Church Architecture (New York: Oxford University Press, 1964)
[1] Claire Sotinel, « Les lieux de culte chrétiens et le sacré dans l’Antiquité tardive », Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2005, mis en ligne le 14 janvier 2010, consulté le 4 juin 2020, p. 412.
URL : http:// journals.openedition.org/rhr/4473 ; DOI : 10.4000/rhr.4473
[2] Ibid. p.412.
[3] Ante Pacem: Archaeological Evidence of Church Life Before Constantin (Mercer University Press/Seedsowers,
1985), P. 67
[4] Clément, The Instructor, Book III, Ch. 11.
[5] Nouveau Testament
[6] Frank A. Viola, Le christianisme paganisé – Les origines de nos pratiques modernes d’églises.
[7] The Story of Christianity (Gonzalez), P. 122.
[8] James F. White, Protestant Worship and Church Architecture (New York: Oxford University Press, 1964), pp. 54-55.
8 Comments
Excellent ! Puisse ce texte si bien écrit contribue à réformer la vraie Eglise de Dieu.
Bonjour,
une prise de conscience et un réveil personnel s’imposent. Puisse le Saint-Esprit guider chacun dans cette voie !!!
Merci !
Félicitation M.Julien Maxon
Que le le tout puissant vous dirige et faire plus de grâce pour le travail noble que vous faite.
Mes congratulations Pasteur Maxon
Félicitation Pasteur Maxon Julien.
Dans ce texte, vous avez touché un sujet qu’on n’a pas l’habitude de débattre dans nos églises. C’est un sujet extraordinaire. Encore félicitation!
Toutes mes félicitations Doyen Maxon!!! Et un grand merci à vous pour ce texte qui me pousse à porter un changement radical dans ma vie. Encore une fois merci cher Doyen!!!!!
Merci Maxon Julien!
Je rends à Dieu pour de telle sagesse, un texte assez édifiant, je le partage tout de suite!
Dieu vous bénisse
Toutes mes félicitations Pasteur Julien Maxon…Je suis Benis à Travers ce Texte.